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vendredi 10 juillet 2015

Russie: les limites de la politique du compromis

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Rostislav Ishchenko, ancien analyste еt conseiller ukrainien réfugié en Russie où il écrit maintenant pour l'agence d'information RIA Novosti, vient de sortir un article plus que surprenant. Analysant la politique russe, sur fond de conflit en Ukraine, il tire l'étrange conclusion que la politique du patriotisme aujourd'hui en Russie produirait le Maïdan d'hier à Kiev. Son argumentation est fort intéressante, même si cela sent l'article de commande. Une certaine manipulation intellectuelle, parfois naïve, fait sourire et est révélatrice du malaise d'une partie de la population russe qui se sent libérale, comprend qu'elle ne peut pas ne pas aimer son pays (l'on n'est plus dans les années 90), mais qui ne partage pas la politique menée qui tend à compliquer son quotidien et génère une haine viscérale pour les patriotes, dont I. Strelkov est devenu pour eux l'homme à abattre. Alors ils se cherchent des explications alambiquées et des excuses crédibles. Voyons un peu le texte avant de l'analyser.
Dans sa publication, ce récent transfuge fait oeuvre d'un soutien plus qu'inconditionnel à la vision politique, non pas forcément du Président V. Poutine, mais en tout cas à celle qu'il lui prête. Cette politique, il l'appelle la politique du compromis, compromis qui devient le terme clé de cette interprétation. Ainsi, une politique du compromis entre les clans à l'intérieur du pays ne peut qu'entraîner une politique non agressive à l'international.

Pour l'auteur, trois points caractérisent donc la politique poutinienne:
  1. La politique du compromis intérieur pour rassembler les différents groupes, mais sachant réagir lorsqu'il y a un danger;
  2. La politique de résistance raisonnable à l'Occident qui ne fonctionne ni sur le mode de la provocation ni du conflit, mais défend ses intérêts;
  3. Le rétablissement économique et militaire de la Russie pour renforcer l'Etat.
Cette politique est donc gagnante pour la Russie, qui a pu développer ses contacts à l'international et participer à la création de nouvelles structures concurrençant les structures occidentales classiques. Et c'est pour cela que les Etats Unis veulent amener la Russie à une phase de confrontation, pour détruire son image et son potentiel politique.

Dans ce contexte, les faux patriotes russes se conduisent en fait comme les militaristes et présentent un réel danger pour la Russie, car ces militaristes ne sont pas de réels patriotes. Ils sont prêts à tout pour "sauver la Russie", même à déclencher une guerre civile et à déstabiliser l'Etat. En cela, ils son comparables à Secteur droit ukrainien. Pour eux aussi, le pouvoir n'est pas assez patriotique et ils en appellent à la responsabilité de la mythique 5e colonne. C'est cette prétention à l'exclusivité du patriotisme qui est dangereux. Comme on le voit en Ukraine.

Enfin, l'auteur affirme que sur le Maïdan on ne voyait que des "patriotes", mais pas la 5e colonne. Il faut donc savoir où se trouve le véritable danger. Et la Russie a un besoin vital de stabilité, la paix sociale entre tous les différents  groupes d'intérêts doit être obtenu.

Bref, faites l'amour pas la guerre. Mis à part la naïveté bon marché de l'unité nationale en conclusion, obtenue par le compromis total, qui amène à de nouveaux compromis, jusqu'au moment où le tour de la compromission est arrivé, reprenons les détournements de significations qui sont opérés par l'auteur. Et ce sont ces transformations, tirant le lecteur vers une Novlangue que l'on ne connait pas encore en Russie, qui présentent le réel danger aujourd'hui.

Tout d'abord, toute politique de compromis a ses limites, car elle tue la nature politique du pouvoir à terme. Car dans la logique du compromis, il ne peut y avoir de responsabilité politique des acteurs du système, puisqu'il ne doit pas y avoir de conflit, mais des compromis. En ce sens, le comportement de Koudrine est exemplaire. Il en appel à de nouvelles élections, à un changement de régime, remet en cause tout ce qui peut l'être, comme la politique trop sociale de l'Etat, l'absence de monétarisme, milite pour le néolibéralisme et il y a peut annonçait vouloir être aux commandes du pays. Pour autant, il est toujours bien vu, même s'il ne correspond pas à la ligne politique qui est défendue. Car il ne faut pas de conflit, donc il reste écouté et influent. Première conséquence: pas de responsabilité politique pour les acteurs qui restent envers et contre tout dans le circuit de gouvernance. Deuxième conséquence: le compromis n'est plus uniquement personnel, il touche également l'idéologie et contribue non seulement à affaiblir le choix politique fait, car il ne peut y avoir de choix lorsqu'il doit être constamment adapté en raison d'un sacro-saint compromis. Ainsi, le positionnement idéologique du pays se brouille.

Ensuite, l'association entre "patriotisme" et "militarisme " est plus que forcée. Cela permet de renforcer l'image négative des patriotes, qui doivent donc être des imbéciles au front bas tenant une batte de base ball dans la main et voulant en découdre avec tout se qui se trouve autour d'eux. Face à cette horde primaire peu fréquentable, se trouve le véritable patriote qui, évidemment, ne peut en porter le nom sans se salir mais l'est au plus profond de lui-même, bien habillé, bien coiffé, comme aurait dit ma grand-mère "propre sur lui". Il est décidément beaucoup plus fréquentable et incarne l'avenir de la Nation. De celle du compromis gagnant. C'est-à-dire du compromis qui soutient ses idées. Bref, de la voie qui va en fait dans son sens. Alors est-ce encore un compromis? Non, c'est la victoire d'un clan sur un autre, que l'on a discrédité a priori, notamment par l'image et l'association. Mais que l'on appelle compromis. 

L'association rapide et lapidaire entre patriotes et Secteur Droit semblerait induire qu'il ne puisse y avoir d'autre patriotisme. Que le patriotisme est une bête immonde qui ne conduirait qu'au conflit, qu'à la guerre civile, comme au Maïdan, "où l'on ne trouve pas de 5e colonne" selon l'auteur du texte, expiant ainsi d'un coup de plume tous les crimes imputés à cette 5e colonne, à des personnes qui n'auraient pas pour but de soutenir les intérêts de leur pays, mais jouerait le jeu d'un autre pays. Réfutant d'un trait d'un seul l'existence même de ces individus, comme si la géopolitique n'existait pas, n'était qu'un conte pour enfant. Oubliant au passage, que la 5e colonne ukrainienne a permis le Maïdan, l'a activement préparé et entretenu avec l'aide de conseillers américains et autres. Ces mêmes qui justement maintenant ont pignon sur rue.

Enfin, si la Russie a besoin de stabilité, elle a encore plus besoin d'être forte, car c'est à cette seule condition qu'elle sera stable. Et pour cela elle doit remettre en cause cette politique insidieuse du compromis qui la ronge et l'affaiblie, la conduit vers la compromission qui la perdra.  Car il faut appeler un chat un chat. On ne peut pas plaire à tout le monde lorsque l'on fait des choix politiques. Mais pour gouverner, il faut faire des choix politiques et être responsable de ses choix. Et si rassemblement il doit y avoir, c'est aussi à chacun de faire ses choix. Et de trouver sa place. Etre le Président de tout un pays, c'est avant tout conduire ce pays sur une voie précise et déterminée. Représenter tout un peuple ne signifie pas plaire à tout le monde, représenter tous les intérêts contradictoires qui existent. Cela signifie avoir été élu par une majorité pour une idée et mettre tout en oeuvre pour réaliser cette idée. Et c'est ce qui contraint la minorité, celle qui fait le choix de la démocratie, de se plier devant la majorité jusqu'au jour où elle même deviendra majoritaire à son tour. L'autre minorité, la 5e colonne, n'est pas démocratique, car elle ne rempli pas le contrat, elle refuse sa responsabilité et ne revendique que des droits. C'est en ce sens où elle ne peut faire partie du contrat social, qu'il n'y a pas de compromis possible.

S'ils revendiquent une place dans le contrat social, ils doivent avoir et accepter les responsabilités de leurs droits. Des individus comme Koudrine, par exemple, doivent également avoir une responsabilité dès qu'ils entrent sur le terrain politique. Ce qui n'est pour l'instant pas le cas.

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