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mardi 28 février 2017

L'OCDE renforce son combat contre l'enseignement en Russie

O. Golodets, vice-Premier ministre


Les Forums économiques divers et variés sont toujours l'occasion d'annonces de réformes, qui n'ont malheureusement que peu de rapport avec l'économie. O. Golodets, responsable du bloc socio-économique au Gouvernement russe n'a pas fait exception à la règle et au Forum d'investissement de Sotchi se prononce pour une réforme radicale de l'école supprimant les classes rectangulaires, avec le maître et le tableau ... considérées comme un héritage soviétique. Que serait-on sans l'épouvantail soviétique? Il faudrait alors parler de l'OCDE, ce qui serait, certes, plus délicat.


Olga Golodets, Vice-premier ministre responsable des questions socio-économiques au Gouvernement vient de faire quelques déclarations qui méritent de s'y arrêter:
"Les classes chez nous ne sont pas correctement construites: chez nous, elles sont toutes rectangulaires, parce qu'il y a l'habitude que l'enseignant se tienne devant, avec derrière lui le tableau, et les enfants sont assis en rang, comme nous étudions pendant notre enfance. Mais pour former une approche par projet, pour constituer des travaux en groupe, pour constituer des équipes et atteindre un but, les enfants doivent être assis autrement, le travail doit se faire autrement. (...) Dans ce cas, l'enseignant n'est plus en mentor, mais il aide l'enfant à développer son talent."
Pour O. Golodets, ces faiblesses du système d'enseignement russe sont le résultat de l'époque soviétique. Et comme elle le dit, cette fois très justement, ces propositions ne sont pas anecdotiques. Sur ce dernier point, nous ne pouvons qu'être d'accord. Puisque ici, il n'est pas question d'amélioration de l'enseignement, mais de diminuer la place de l'enseignant, de créer une rupture du rapport d'autorité. Entre l'adulte et l'enfant en général, entre le professeur et l'élève en particulier. Puisque l'enfant sait déjà, il suffit de le guider avec des projets et des travaux en groupes qui doivent se substituer au processus d'apprentissage, jugé trop lourd car relevant d'une culture de l'effort viscéralement rejetée et remplacée par celle du dû et de l'immédiateté. Dans la pure tradition de cette génération des soixante-huitards qui a pris le pouvoir.

Il est tout à fait possible pour la Russie, c'est un choix qui est fait dans beaucoup de sociétés post-modernes européennes à l'Ouest, comme la France ou les pays scandinaves. Mais la Russie doit être consciente que ce choix implique un changement global de sa vision de la société, qui concerne tous les éléments clés de cette idéologie néolibérale fondée sur la déracination de l'individu et la discréditation des éléments structurants. Plus concrètement, il faut choisir: gender, LGBT, mariage gay, adoption internationale sans restriction .... ou ... une vision traditionnelle de la société. Jouer sur les deux tableaux est la position la plus instable qui puisse être choisie et c'est un choix perdant à terme, qui va du compromis à la compromission.

Deux remarques en ce qui concerne les affirmations de O. Golodets marquant ce rejet, parfois inconscient, de l'époque soviétique très présent chez certains politiques russes aujourd'hui, qui vivent leur origine, manifestement, comme un regret, comme un complexe, comme une tâche de naissance qu'ils ne savent dépasser:
  1. La France n'a jamais été un pays soviétique et les classes d'écoles sont disposées de la même manière. 
  2. Le Forum économique de Sotchi est-il également un avorton du soviétisme pour prévoir une salle où les gens sont assis en rang et devant les personnalités assises, elles, en face avec un tableau - certes électronique - derrière leurs dos?
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Dans toutes ces déclarations, il y a une imposture: le silence sur la source, comme si cette idée venait spontanément d'émerger dans la tête de O. Golodets. Car la source est indicible, vue la ligne politique officiellement menée par la Russie, à savoir la maîtrise totale de sa politique intérieure et internationale fondée sur la plénitude de la souveraineté. Comment affirmer simplement: lisez le rapport de l'OCDE Perspectives des politiques de l'éducation 2015 et vous y trouverez toutes les références nécesaires aux tentatives "d'innovation" (et non de destructuration dans la Novlangue actuelle) de l'enseignement dans les pays appartenant à l'OCDE. Au-delà de l'indicible, il y a surtout incompatibilité fondamentale.

Pour ceux qui n'auront pas le courage de prendre le risque d'ingurgiter une pitance aussi nocive, voici quelques hors-d'oeuvres tout à fait suffisants pour saisir l'ampleur du désastre. Il s'agit d'une interview donnée par A. Schleider, directeur de l'enseignement de l'OCDE, à l'incontournable journal Le Monde en août 2014. Morceaux choisis. 

Sur le rôle des femmes dans les réformes, rôle qui va satisfaire O. Golodets et pourra nous inquiéter:
Dans quelques pays, des réformes majeures, qui ont totalement modifié le visage de l'école, ont été menées par des femmes ministres. Je pense à mon pays, l'Allemagne, où le système a été très largement réformé dans les années 2000. Je pense aussi à l'Italie, où les changements ont été moins consensuels, certes, mais où le système éducatif est bien plus efficace aujourd'hui qu'en 2000.
En ce qui concerne l'essence de l'enseignement: il ne s'agit plus d'acquérir des connaissances, mais un savoir-faire. D'où la remise en cause des méthodes d'enseignement et le culte de "projets" et de "travail en groupe". Puisque le but de l'école est de former une armée de mains-d'oeuvre plus ou moins qualifiée selon les besoins des entreprises, mais surtout pas des être pensants, qui pour leur développement ont besoin de rigueur, d'efforts et de connaissances pures. 
L'enseignement n'est pas pertinent en France. On y est en décalage. Le monde moderne se moque bien de ce que vous savez. Il s'intéresse à ce que vous savez en faire
Sur l'importance idéologique de la formation des enseignants:
On ne changera les mentalités des élèves qu'en changeant celle des professeurs.
Ces réformes sont des réformes idéologiques qui n'ont que peu à voir avec l'intérêt de l'enfant, sa préparation à sa vie adulte, son développement intérieur. Seul un homme armé de connaissances et de rigueur est armé pour la liberté. Mais notre société n'a pas besoin d'hommes libres, elle a besoin d'exécutants. Car ce n'est plus l'ère des bâtisseurs. Ce n'est plus l'ère des penseurs. C'est l'ère des commerçants.  
 

6 commentaires:

  1. Je croyais que la Russie était un pays libre et indépendant et qu'elle n'avait que faire des recommandations de l'OCDE.
    Il faudrait dire à cette dame, qui ne me paraît pas très futée, que s'il y avait quelque chose à garder de l'époque soviétique c'est bien l'enseignement.
    J'espère qu'elle n'est pas seule à décider, sinon c'est la catastrophe qui se profile, comme en France où l'école est devenue une fabrique d'ignorants.

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  2. languedoc,j'ai été 40 ans enseignant en collège, puis lycée. Je suis entièrement d'accord avec vous, l'enseignement russe est de haute qualité, et il faut absolument qu'ils gardent cela. Chez nous, c'est la déliquescence.

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  3. Restons classique, avec les trois étapes:
    1- le primaire avec l'apprentissage des fondamentaux de base: lire, écrire et compter.
    2- le secondaire où il s'agit d'apprendre à apprendre.
    3- et le supérieur, pour apprendre un métier.

    Ces 3 phases ne sont pas à confondre avec l'organisation de l'agenda quotidien en deux temps;
    1- le temps du cours magistral par le maître en position hautement hiérarchique et pour l'élève en hyper-attention (j'ai eu un prof qui organisait sa classe par rang horizontaux sans espaces et ses élèves par ordre alphabétique. Il interrogeait au hasard sur les sujet en-cours, le livre était autorisé pour le suivi, et mettait zéro si pas de réponse.
    2- à ne pas confondre avec l'enseignement mutuel, après les cours, en étude, où les plus forts Aident les plus faibles (méthode des Oratoriens). Le vrai travail en équipe.

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  4. Je voulais en profiter pour ajouter ici un intéressant commentaire qui m'a été transmis par COmité Valmy:
    Madame,
    Votre article résonne particulièrement avec mon vécu professionnel; j’ai reçu une formation d’ingénieur, complétée par des études en économie appliquée
    à la gestion d'entreprise. J'ai eu des responsabilités de direction dans des grands groupes industriels internationaux. Au cours de mes années de formation, j’ai toujours bénéficié d’un enseignement frontal : le professeur face à nous, devant le tableau. Cela ne
    m’a pas empêché d’acquérir connaissances et méthodes.
    J'ai assisté au fil du temps, dans ces groupes industriels, à la substitution du savoir et de l'expérience par le « savoir-faire ». Le savoir et l’expérience devenaient des défauts voire une tare, synonyme de rigidité, d’absence d’adaptabilité et d’ enfermement dans des habitudes. Les théoriciens qui ont lancé cette « mode » ne savent apparemment pas que savoir et savoir-faire se complètent sous forme d’une
    rétroaction positive. Le savoir permet d’améliorer la méthode – ou savoir-faire –, et cette dernière conduit généralement à plus de savoir.
    Cette boucle positive est à la base de l’apprentissage. L’un ne va pas sans l’autre. Promouvoir le seul « savoir-faire », coupé du savoir, est un non-sens. Et pourtant j’ai vécu l’application de cette stupidité dans
    l’industrie : limitation systématique, à trois ans maximum, de la durée dans une activité sans tenir compte du temps de formation spécifique nécessaire, avec souvent une mutation avant d’avoir maitrisé le job. Cela provoque en général le désinvestissement et la déresponsabilisation des individus. Les conséquences des décisions prises ne survenant que bien après le départ vers un nouveau job et aucune responsabilité n’étant mise en cause. Poussée jusqu’à l’absurde, cette recherche de l’adaptabilité aboutit à des situations ubuesques où l’on assiste à la nomination de diplômés d’écoles supérieures de commerce à des fonctions de
    directeur industriel, de responsables de production à la direction de marketing et d’un technicien de bureau d’études à la direction de ressources humaines. Le chaos organisé et le simulacre de la compétence sont les caractéristiques de cette nouvelle idéologie de management.

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  5. Suite:
    Une majorité de diplômés de l’enseignement supérieur ayant été formés selon cette méthode sont incultes. J’ai entendu une président d’université dire que les étudiants arrivant dans l’enseignement supérieur ont un retard d’environ deux ans en culture générale par
    rapport au niveau du début des années 1970. J’ai constaté chez des étudiants de l’enseignement supérieur du commerce, stagiaires en entreprise, des lacunes sévères dans la maîtrise de la langue – le français – : fautes d’orthographe, de grammaire et difficultés à faire des synthèses. Mais ils avaient appris à simuler la compétence. Une de mes relations, enseignante française universitaire à Berlin, constatant la faiblesse de l’enseignement secondaire allemand dans cette ville, a inscrit son fils au Lycée français. La méthode prônée par les allemands que vous citez est un échec en Allemagne. Que la Russie soit préservée du désastre en cours en France.


    Deux références bibliographiques utiles sur la question soulevée par Mme Karine Bechet-Golovko

    Livre du sociologue américain Richard Sennett
    The Culture of the New Capitalism - Yale university press - 2005
    Ce livre contient de nombreux témoignage de cas de management débouchant dans le domaine de l’absurde et les conséquences sociales ;

    Livre des sociologues et chercheurs Christian Laval - Francis Vergne - Pierre Clément - Guy Dreux
    La nouvelle école capitaliste - Editions la Découverte/poche 2011- 2012

    Extrait de la postface de ce dernier livre
    "Ce qui ressemble aujourd’hui à un sabotage de l’école- suppression des classes , réduction des effectifs enseignants et appauvrissement de leurs conditions- ne suffit pas à caractériser la mutation historique de l’école. Celle-ci ne joue plus seulement une fonction dans le capitalisme comme l’ont montré les analyses des années 1970: elle se plie de l’intérieur à la norme sociale du capitalisme. L’ employabilité » est le principe et l’objectif de la normalisation de l’école, de son organisation et de sa pédagogie.
    Elle cherche moins à transmettre une culture et des savoirs qui valent pour eux-mêmes qu’elle ne tente de fabriquer des individus aptes à s’incorporer dans la machine économique. Les effets inégalitaires de la concurrence , la mutilation culturelle introduite par la logique des « compétences » ou la prolétarisation croissante du monde enseignant révèlent la perte d’autonomie de l’école par rapport au nouveau capitalisme et aux luttes des classes sociales autour de l’enjeu scolaire.

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  6. Il faudra s'intéresser aussi aux causes de la baisse spectaculaire de l'entrée aux grandes écoles des fils d'ouvriers/employés. Il y a 50 ans, de mon temps..., nous comptions 35% de fils d'ouvriers à l'X, aujourd'hui c'est 5%.
    Or, j'ai observé que les meilleurs d'entre-nous étaient ces fameux fils d'ouvriers, les plus intelligents, cela va de soi en vertu de la loi des grands nombres.

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